l’Irak en voie de désertification fait face au Kurdistan pour la possession de l'eau et de l'énergie.
La bataille du barrage Saddam
(Barrage situé entre la Ville de Mosûl et la frontière Turco-Irakienne)
Depuis 2004, une garnison de peshmerga occupe les abords du barrage Saddam, construit sur le Tigre à une quarantaine de kilomètres de Mossoul, pour le « protéger d’éventuels attentats terroristes ». Le prétexte ne trompait personne car l’édifice se trouve sur une zone revendiquée par Massoud Barzani comme faisant partie du « Grand Kurdistan ». Ce barrage lui permet de contrôler l’alimentation en électricité de la province de Ninive et l’irrigation des cultures jusqu’à Tel Afar, ville dont il voudrait expulser les Turcomans qui y sont majoritaires. Les barrages de Dokan (sur le Petit Zab) et Darbandikhan (sur le Diyala), situés dans la Région autonome, lui permettent déjà de faire chanter le régime de Bagdad qui fait face à une très grave pénurie d’eau.
Après la victoire à Mossoul de la coalition nationaliste Al-Abda aux élections régionales du 31 janvier dernier, Atheel al-Nujaifi, nouveau gouverneur, s’est emparé du dossier et a déclaré que personne n’avait demandé aux peshmerga de venir, qu’ils devaient quitter les lieux. Il a donné l’ordre à un bataillon de l’armée irakienne de les remplacer. Le général kurde Azad Hawezi ayant refusé d’obtempérer, il a fallu l’intervention du général Robert Brown, commandant étasunien dans la région, pour éviter un affrontement sanglant. Depuis, le barrage est gardé par une force mixte, sous contrôle américain. On devine ce qui arrivera lorsque les troupes d’occupation se retireront.
la menace d’un nouveau « Déluge »
Une vague de 10 à 20m atteindrait Mossoul en 3 ou 4 heures…
Le risque d’une guerre arabo-kurde n’est rien à côté de ce qui se produirait en cas de rupture du barrage, un scénario catastrophe évoqué par tous les spécialistes depuis plus de 10 ans.
Construit dans les années 80 par des entreprises européennes – dont la française Dumez – sur des roches de gypse, donc solubles dans l’eau, son fonctionnement nécessite le renforcement permanent de ses fondations. Haut de 120 m, son lac de retenue de 400 km2 peut stocker 11 milliards de m3 d’eau au moment de la fonte des neiges en Turquie.
Face à la menace, le gouvernement irakien avait chargé une entreprise yougoslave de procéder, 24h sur 24, à des injections de ciment. Elle a cessé ses travaux en 1991 pour cause d’embargo. L’importation de pièces détachées étant interdites, les vannes n’ont pas été entretenues normalement pour la même raison.
Pour réduire l’impact de la catastrophe, l’Irak avait entrepris de construire un barrage amortisseur à Babush, à mi-chemin de Mossoul. Mais, l’embargo n’a pas permis de l’achever.
Aujourd’hui, les spécialistes estiment à plus de 20 cm l’épaisseur de roche dissoute à sa base.
Le Corps des Ingénieurs de l’Armée américaine a tenté de rattraper le temps perdu. Mais, selon le témoignage de Stuart Bowen Jr, directeur du Bureau de l’Inspecteur Général pour la reconstruction de l’Irak, devant le Congrès en octobre 2007, 27 millions de dollars ont été dépensés en pure perte, détournés de leur but initial. Au lieu de construire des usines fabriquant des mélanges spéciaux capables de colmater les brèches dans le sol, les entreprises irakiennes retenues ont construit des cimenteries traditionnelles. De plus, le gouvernement Maliki ayant refusé de terminer le barrage de Babush, on peut craindre le pire.
Si le barrage Saddam cédait, une vague de 10 à 20m atteindrait Mossoul 3 à 4 heures plus tard, à une vitesse d’environ 2 m/seconde. Une grande partie de la ville serait détruite. Les villages bordant les rives du Tigre seraient ravagés et des quartiers de Bagdad se retrouveraient sous 5 m d’eau. Un demi million d’Irakiens mourrait.
Espérons que rien n’arrivera. Mais si le pire se produisait, les Etats-Unis, le KRG (Gouvernement régional kurde) et Nouri al-Maliki devront rendre des comptes.
Gilles Munier
l’Irak en voie de désertification
L’Irak fait face à la plus grande sécheresse de son histoire.
Le sud du pays se transforme en désert.
Le rendement des champs de blé a baissé dramatiquement.
Les rizières ne sont plus suffisamment irriguées.
La région des Marais est en grande partie asséchée. En cause : les barrages construits en Turquie qui, selon un accord conclu en 1987, s’engageait à maintenir un débit de 500 m3 seconde. On en est loin. Le niveau d’eau dans le fleuve a été réduit de moitié. Cela a entraîné la salinisation rapide du Chatt al-Arab avec pour conséquence le reflux des bancs de poissons qui faisait vivre la région de Bassora vers le Koweït, les Emirats ou l’Iran. Résultat : en août 3000 pêcheurs irakiens, 2000 en septembre, ont dû quitter la région.
Autre conséquence :
Les barrages sur l’Euphrate ne fonctionnent qu’à 10% de leur capacité, réduisant la production d’électricité dont l’Irak manque cruellement.
La situation le long du Tigre est un peu moins préoccupante, mais, que se passera-t-il lorsque l’énorme barrage turc d'Ilisu entrera en activité ?
Ceux construits en Iran ont réduit le débit des rivières qui l’alimentent.
Au sud, celui bâti sur le fleuve Karoun est une véritable provocation. Ses eaux, qui se déversaient dans le Chatt al-Arab, ont été détournées dans le Bahman Chir, un de ses affluents.
JJ ALEX